mercredi 7 décembre 2016

Great Allegheny Passage and Chesapeake and Ohio Canal


N° 1 - 17 août 2016

Strasbourg (France) / Washington D.C. 

Bisous ou pas bisous ?

Après quelques minutes de tram, un peu de marche, une heure de train et quelques minutes de bus, nous arrivons à l'aéroport de Bâle-Mulhouse. Et hop, en un saut de puce, nous atterrissons à l'aéroport de Roissy. Le vol transatlantique dure huit heures et il faut  passer ensuite l'épreuve du contrôle aux frontières des Etats-Unis. Les cinq doigts de chaque main sont scannés et notre bobine est photographiée ! Nous sommes des touristes bien ordinaires et nous passons sans encombre. Patrick nous attend et nous arrivons chez lui au centre de Washington après une heure d'embouteillage. Notre GPS nous apprend  que désormais notre maison est à 6537 km. On n'arrête pas le progrès !

La rue où habitent Patrick, Carolyn et leur fille Mélanie se situe dans le quartier de Mount Pleasant, une rue en pente bordée de maisons de briques avec porche et ombragées par des arbres centenaires qui abritent des colonies de criquets bruyants. La température oscille autour de 33°C à l'ombre, aussi apprécions-nous la  climatisation. 

Carolyn et Mélanie nous attendent. Ici on ne s'embrasse guère. On met ses bras autour des épaules de l'autre en les tapotant et en se mettant joue à joue éventuellement. C'est le "hug" popularisé en France par certains pour montrer que l'on aime tout le monde ! Patrick se rappelle que cette pratique n'est guère courante en France et nous embrasse affectueusement. Un bisou ! Un bisou ! J'explique à Mélanie cette pratique si française. Ici on est bien loin des bises quasi systématiques que les jeunes et les moins jeunes se donnent, même si on vient d'être présentés l'un à l'autre quelques secondes auparavant !

 N° 2  -   Jeudi 18 août     

 Washington 

Tourisme à pied dans la capitale fédérale

A l'inverse de beaucoup de villes anciennes, à Washington, les monuments principaux sont regroupés en grande partie entre le Lincoln Monument et le Capitole sur un grand espace en longueur appelé le Mall. Regroupés, certes, mais les distances sont grandes et des chaussures confortables sont à conseiller.

Le monument dédié à la 2eme guerre mondiale s'étend sur le Mall entre le Lincoln Mémorial et le Washington Monument. Formant un vaste cercle où miroite un bassin, des murs avec les noms de chaque Etat des Etats-Unis sont ornés de volutes et de couronnes de bronze. Le monument est grandiose pour rappeler le sacrifice des soldats américains. Le Lincoln Memorial, inauguré en 1922, est toujours aussi prisé, sans doute pour sa théâtralité et son originalité : dans une sorte de temple grec, Abraham Lincoln trône plein de bienveillance et de détermination. Les dernières 18 marches en marbre blanc symbolisent les 18 États qui constituaient les Etats-Unis à l'époque de la présidence de Lincoln de 1860 à 1865.

A proximité, un peu sur le côté, un monument d'une dimension modeste mais non moins émouvant, rappelle la guerre de Corée. Une vingtaine de statues de soldats, grandeur nature, est repartie au milieu d'une pelouse. Les soldats lourdement chargés ont des visages très expressifs.

Après le Washington Monument, un grand obélisque de 169 m de haut, le Capitole est en vue. Les travaux dont il est l'objet nous découragent d'aller jusqu'à ses pieds  et nous bifurquons sur Pennsylvania Avenue où se trouve la Maison Blanche. Comme nous n'avons aucun plan de la ville, il nous semble judicieux de nous arrêter au White House Visitor Center pour en demander un. Nous sommes un peu surpris de devoir passer nos sacs sur un tapis roulant comme dans un aéroport et nous nous apercevons que nous sommes dans un petit musée consacré à la Maison Blanche. C'est l'endroit pour tout savoir sur la Maison Blanche, son architecture, son histoire, ses présidents et nous avons le privilège de rencontrer Barack Obama, presque en personne, pendant un film de 20 minutes, évoquant l'importance du lieu, les grands événements mais aussi la vie de famille des présidents.

Le tour de la vraie Maison Blanche est l'occasion de photos devant les grilles où des dizaines et des dizaines de touristes se pressent. Les élections présidentielles ne sont plus loin et on peut acheter près de là, soit un tee-shirt d'Hillary Clinton soit celui de Donald Trump. Si on ne peut se décider, on a une réduction pour en acheter trois ! Des gadgets divers au nom des candidats sont aussi disponibles si on ne veut pas dépenser 10 $ pour un tee-shirt dont le propriétaire risque d'être la risée de son entourage dans quelques mois. Les plus joueurs peuvent aussi espérer acquérir le "collector" qui s'arrachera, peut-être, dans quelques décennies.

Nous rentrons en faisant l'expérience que les machines dans les bus ne rendent pas la monnaie. Notre billet de 5 $  a été avalé par la machine sans espoir de retour mais la perte n'est pas bien grande puisque deux tickets coûtent 3,50. Patrick et Carolyn nous invitent dans un restaurant branché et populaire installé dans un bâtiment industriel laissé en grande partie en l'état. Les pizzas y sont excellentes.

Nous finissons la soirée en préparant nos sacoches avec tout le nécessaire pour trois semaines de périple à vélo et un départ en bus pour Pittsburgh.


N° 3  -   Vendredi 19 août 

 Washington / Pittsburgh / Homestead 

Enfin nos vélos !

La gare routière, comme la plupart des gares routières à l'intérieur de bâtiments, est grise, bruyante et sinistre. Notre bus de la Compagnie Megabus est un bus à deux étages avec toilettes qui va nous conduire à Pittsburgh en Pennsylvanie. Pittsburgh est une ville d'environ 500 000 habitants à mi-chemin entre Washington et les grands lacs séparant les Etats-Unis et le Canada. Nous nous installons vers l'avant à l'étage inférieur mais ce n'est pas la bonne option car notre fenêtre est bien haute, réduisant ainsi votre vision du paysage. Après quatre heures de route, une pause de 30 minutes est prévue puis la route monte considérablement pour franchir les Appalaches et offrir de temps en temps de beaux panoramas. Après près de sept heures de bus, nous débarquons tous bien vite pour remuer nos muscles.

A Pittsburgh nous essayons de trouver la 15e rue où se trouve le magasin de vélos qui devrait nous procurer ce qu'il nous faut puisque nous avons renoncé à emporter nos vélos depuis la France. Un couple, plein d'attention, nous indique la direction. Nous traînons nos sacoches et très vite j'ai les bras qui me font mal. Compatissant, Philippe porte presque tous les bagages le long d'un grand pont enjambant une très large rivière. Nous arrivons enfin de l'autre côté en suant sang et eau. Malgré le plan de notre tablette, nous sommes un peu dubitatifs avant de nous apercevoir que nous sommes partis dans la direction opposée ! Il y a plusieurs 15es rues, selon les quartiers de la ville divisée en nord-est, sud-est, nord-est, etc. Les bras, déjà bien douloureux, nous en tombent et pas un taxi en vue ! Nous sommes encore obligés de continuer quelques centaines de mètres, dégoulinants de sueur, avant de héler un taxi.

Le taxi repasse exactement où nous étions partis une heure plus tôt tandis que le compteur affiche déjà 10.50 $. Heureusement, le magasin Thick Bikes est vite atteint.  A notre grand étonnement, le patron,  Chris, au téléphone, nous accueille : "Philippe ? Chantal ? J'ai vos hôtes de ce soir en ligne, ils vont venir vous chercher à vélo". Nous avions indiqué à nos hôtes Warmshowers nos projets et comme ils connaissent très bien le magasin, l'information a circulé au delà de nos attentes. En cinq minutes, nous trouvons des montures qui nous conviennent pour parcourir le Great Allegheny Passage et arriver jusqu'à Washington. Nous y ajoutons deux porte-bagages et y faisons monter nos selles que nous avons jugé prudent d'emporter pour être certains d'avoir la selle qu'il nous faut. L'affaire qui nous préoccupait depuis des semaines est réglée !


Bob et Maggie arrivent en tandem pour nous emmener chez eux à une quinzaine de kilomètres. Nos vélos s'avèrent être parfaitement adaptés à des côtes raides comme celle de la rue où habitent nos hôtes. Une soirée merveilleuse commence avec ces professeurs à la retraite, cyclistes expérimentés, ouverts et bavards.

N° 4  -  Samedi 20 août  

Pittsburgh 

Pittsburgh ou Pittsburg ?

Bob et Maggie sont des hôtes prévenants qui nous proposent de nous accompagner à Pittsburgh pour nous faire voir les endroits les plus intéressants. Une proposition qui ne se refuse pas, surtout que Bob était professeur d'histoire et qu'il connaît les endroits intéressants que nous aurions sans doute ratés.

De Homestead à Pittsburgh, nous reprenons en sens inverse la piste empruntée la veille, The Great Allegheny Passage, celle qui nous mènera à travers les Appalaches presque jusqu'à Washington. Bob nous fait passer à travers des quartiers industriels en partie abandonnés ou reconvertis. Pittsburgh dans les années 1980 a vu ses aciéries fermer les unes après les autres et une très importante récession a touché la région dont elle se remet peu à peu. Les friches industrielles de la partie sud de la ville ont été reconverties en espaces de loisirs ou en magasins le long de l'eau.

























La ville est construite sur deux rivières, l'Allegheny et la Monongahela, qui se rejoignent et forment la rivière Ohio. La ville est parait-il celle qui compte le plus de ponts aux Etats-Unis.  A la confluence, dans un joli parc avec jet d'eau, une plaque rappelle l'histoire mêlée entre Anglais et Français et nous compterons les miles de la piste, the Great Allegheny Passage, à partir de là.

Pittsburgh a été baptisée en l'honneur d'un certain Pitt d'origine écossaise et l'orthographe de la ville a suivi l'orthographe écossaise. Il y a quelques années, le gouvernement a décidé une uniformisation des noms géographiques terminant par Burg, ou par Burgh, ou approchant pour ne garder que le Burg. Après  des années d'opposition, les habitants ont obtenu de conserver l'orthographe originelle et c'est la raison pour laquelle Pittsburgh, semble-t-il, est la seule ville aux Etats-Unis dont le nom se termine par un h. 

Andy Warhol était natif de Pittsburgh. La ville lui a consacré un musée où nous bénéficions, grâce à nos rides, d'une réduction de 50 %. C'est bien venu étant donné le prix élevé de l'entrée, et que ni l'un ni l'autre ne sommes des admirateurs de l'artiste.

Le centre ville est assez déprimant et nous n'y trouvons que des restaurants, des bars et des cafétérias où on n'a pas forcément envie d'entrer. Pas de magasins de vêtements de chaussures, de pâtisseries, etc et pas le moindre endroit qui pourrait vendre des cartes postales !

Nous reprenons seuls le chemin du retour vers Homestead. "Have you seen that..". Je commence à m'adresser à Philippe en anglais au bout de trois jours d'immersion ! Il faut dire que nous avons bavardé énormément depuis notre arrivée et que les vieux réflexes reviennent. La piste longe par endroits la voie ferrée et un train tiré par deux locomotives passe près de nous. La plupart des wagons portent deux containers superposés. Un beau vacarme de ferraille nous entoure mais notre étonnement va en s'amplifiant au fur et à mesure que le train passe, passe, passe ...  Et n'en finit pas. Peut-être compte-t-il 200 wagons ! Quand nous empruntons un pont enjambant les voies, nous sursautons au meuglement de la locomotive, pas un sympathique sifflet, ou un avertissement autoritaire, mais un meuglement sinistre que le conducteur doit faire entendre à quatre reprises à proximité des villes ou d'endroits fréquentés par des animaux. Ce meuglement ponctue la vie des habitants des environs.

N° 5  -   Dimanche 21 août 

Homestead / Belle Vernon 60 km

Le vrai départ sur the Great Allegheny Passage

Bob et Maggie décident de nous accompagner un grand bout de chemin, sur le tronçon de la vallée de l'acier. Des usines tournent encore dont une qui entrepose des kilomètres de tuyaux le long de la voie ferrée et, surtout, la dernière aciérie dont la flamme brûle continuellement. De nombreux bâtiments plus ou moins abandonnés attendent des jours meilleurs.

La piste qui a été terminée en totalité il y a 3 ou 4 ans a demandé bien sûr beaucoup de temps et d'énergie, en particulier de bénévoles dont Bob et Maggie. Il a fallu discuter et négocier avec des industriels et des privés pour obtenir la totalité des terrains. La piste utilise d'ailleurs des aménagements conçus pour l'industrie, en particulier le remblai solide où nous roulons qui servait de support à des tuyaux amenant des produits à des usines. Un pont de chemin de fer a été donné au comté. Deux autres ont fait l'objet d'une organisation remarquable pour les installer en quatre heures la même nuit afin de libérer la voie ferrée.

A Sutterville, nous invitons Bob et Maggie à déjeuner. Philippe essaie une salade la "Pittsburgh steak salad" composée de morceaux de steak, de frites, de fromage et de salade verte mélangée à des carottes râpées, des tomates et un peu de chou. Mon généreux sandwich coupé en triangle est servi avec quelques frites en dentelles et une coupelle de mayonnaise à la framboise. Pourquoi rajouter de la mayonnaise ? 

Nous disons au revoir à nos invités en leur faisant promettre de venir apprécier les routes et les pistes cyclables alsaciennes. Ils semblent avoir pris cette promesse très au sérieux et nous en sommes ravis.

La piste coupe après quelques kilomètres Cedar Creek Park, un vaste parc qui s'étend de la rivière au sommet de la colline. Des dizaines de familles en ce beau dimanche ont investi les grands abris maçonnés ou loués des chapiteaux pour des fêtes de famille au milieu de pelouses à faire pâlir de jalousie bien des jardiniers. La pente est rude mais pas trop longue et la descente commencée dans la mauvaise direction est assez vite abandonnée. Ouf ! Notre hôtel, cher et confortable, nous attend en bas de l'autre côté de la colline.

N° 6  -  Lundi le 22 août

Belle Vernon / Connellsville  45 km

De la forêt, de la forêt 

Nous repartons vers la piste que nous avons d'abord ratée en allant trop loin. Heureusement qu'une belle côte en perspective m'a fait réfléchir et demander notre chemin avant d'entamer cette montée inutile.
La piste est toujours en bordure de la rivière Youghogheny, dans une région où jusque dans les années 50, on extrayait le charbon qui alimentait la sidérurgie. Quelques hameaux de mineurs avaient été construits par les employeurs. Les maisons ont été rénovées et les terrains autour ressemblent à des terrains de golf tant par la taille que par la qualité du gazon.

La région est très boisée et nous roulons à l'ombre. Le goudron s'est arrêté hier à une quarantaine de kilomètres de Pittsburgh après Death Man's Hole. Heureusement le stabilisé est presque partout de bonne qualité mais nous sentons que les chaînes souffrent des gravillons et la vitesse s'en ressent aussi un peu. Nous pédalons pendant presque toute l'étape dans la forêt.

Connellsville a créé un joli parc le long de la rivière, avec même la WiFI à un endroit. Nous en profitons avant de traverser la bourgade et gagner notre hôtel. Ce que l'on peut appeler le centre ville est d'une laideur indéfinissable, une suite de petits immeubles disparates et mal entretenus avec quelques malheureux commerces vieillots. Le motel ne vaut guère mieux, le modèle immortalisé dans des films des années 70, tout en longueur, avec des véhicules garés devant les portes. Le bon côté est que l'on peut rentrer facilement les vélos directement dans la chambre


N° 7   -  Mardi 23 août 

Connellsville / Falling Water / Fort Hill    63 km

Deux maisons extraordinaires

Nous quittons Connellsville sans regret... et sans vrai petit déjeuner. Rien à l'hôtel pour se préparer une boisson chaude et tous les restaurants devant lesquels nous passons vers 8 heures sont fermés. Nous mangeons la réserve de nos sacoches : notre excellent pain, des noix de pecan et deux oranges.

Après une quinzaine de kilomètres, la vallée se resserre. Les flancs de la montagne sont de plus en plus abrupts et la rivière est encombrée de rochers. La piste est en faux plat montant continuellement si bien que nous pédalons sans grand effort. Quelques conifères apparaissent et la nature est toute à nous car les cyclistes sont très rares.

Ohiopyle est un centre apprécié pour le canoë et le kayak. Le magasin d'articles de sport spécialisé dans l'organisation de sorties sportives propose un taxi pour Fallingwater, pas très loin, mais en dehors de la piste et sur une route avec de belles côtes qui nous feraient perdre du temps. 

Fallingwater est la maison la plus connue des Etats-Unis. Construite vers 1935 par le célèbre architecte Frank Loyd Wright pour la famille Kauffmann, elle surplombe une cascade au milieu de la forêt. Le site exceptionnel n'est pas le seul atout de la demeure. Tout a été conçu de manière à profiter de la nature grâce à de multiples fenêtres et une circulation naturelle de l'air. Rien de clinquant mais des matières naturelles, du grès, du bois, de l'ameublement fonctionnel et sur mesure dans des espaces au plafond assez bas donnant une impression de confort et d'intimité. Nous faisons partie du 38e groupe d'une dizaine de personnes à 13 h 30, car les visites sont très demandées et il est presque indispensable de réserver pour ne pas se voir refuser l'entrée.

A notre retour, nous retrouvons nos vélos chargés de sacoches et des casques simplement cadenassés devant le magasin de sport. Pas de problème, nous avait-on dit, car ici les vols semblent simplement inenvisageables. 

Nous sommes hébergés ce soir par un couple de Warmshowers (le site d'accueil entre cyclistes) à Fort Hill, à quelques kilomètres de la piste. Comme le nom peut le laisser penser, la maison se situe sur une colline. La pente est très sévère et nous suons à grosses gouttes. Quelle chance, une voiture croise un cycliste qui s'échine sur son vélo et le conducteur s'arrête. "Philippe ?"  "Oui !"  Je ne parle pas de moi, hors de vue, loin dans la pente ! Les sacoches sont rapidement chargées dans la voitures et nous continuons, plus légers mais non sans peine sur cette côte qui semble finir à chaque tournant et qui pourtant continue à monter terriblement.

Don et Audrey habitent une vaste maison dans le style trappeur très apprécié de ce côté de l'Atlantique, une maison de rondins qui n'a rien à voir avec les modestes cabanes des pionniers. La maison bénéficie d'un vaste panorama sur les collines bleutées. Du grand salon à la cuisine, la lumière traverse toute la maison. Le salon va jusqu'au sommet du toit et une mezzanine offre chambres et bureaux. La cuisine donnant sur le salon est extraordinaire tant par la taille que par l'équipement ménager : un frigo américain proposant glace pilée ou en cubes, un congélateur bas pour la nourriture, un frigo bas pour les bières et les bocks vides pour qu'ils soient très froids. Pour ce qui est du chaud, la maîtresse de maison peut faire face à un grand nombre d'invités avec deux fours, une étuve, et bien sûr un vaste espace de cuisson équipé de brûleurs pour toute taille de casseroles. Au mur au dessus des brûleurs a été monté un robinet pour pouvoir remplir les casseroles sans les déplacer jusqu'à l'évier. Le "basement" est la partie inférieure de la maison où une salle de sport est installée à côté d'un dortoir, genre trappeur, en cas de grande affluence, et d'une salle de jeux avec billard, etc...

L'accueil est chaleureux et sans prétention. Don est un self made man qui a réussi comme entrepreneur dans la toiture après des études de droit. Audrey s'affaire avec plaisir dans la cuisine tout en lançant quelques recherches sur son ordinateur pour travailler à sa thèse de géographie. Ils envisagent un voyage avec des amis l'an prochain pour faire à vélo Land'End / John O'Groats, périple très en vogue en Angleterre. Pour ce qui est de la France, Don surtout est réticent car les Français ont souvent la réputation de ne pas aimer les Américains. De plus ni lui ni elles ne parlent le français mais nous pensons leur avoir donné envie de venir, même pour peu de temps en passant ensuite de l'autre côté du Rhin pour visiter l'Allemagne.

N° 8   -   Mercredi 24 août  

Fort Hill / Frostburg.  76 km

De la Pennsylvanie au Maryland

Toute la matinée, nous ne rencontrons personne sur la piste sauf deux jeunes qui campent à l'entrée d'un tunnel près de Markleton. A Rockwood une belle fresque a été peinte pour illustrer le passé ferroviaire de la région et le présent de la piste qui semble apporter une certaine fierté aux habitants et une petite prospérité.

Le viaduc de Salisbury long de 580 m est impressionnant car on pédale entre ciel et terre au dessus d'une rivière, d'une voie ferrée, une autoroute et une route. Plus loin, Meyersdale a transformé sa gare en musée car les trains de voyageurs ont disparu mais les trains de marchandises continuent à circuler sur une autre voie. Alors que nous passons sur un pont au dessus de la voie ferrée, un train de charbon circule qui compte une locomotive diesel, 127 wagons et deux locomotives qui poussent à l'arrière.

La ligne de partage des eaux se situe à 2 392 pieds soit 729 m. Nous quittons là le bassin versant du Golfe du Mexique pour entrer dans celui de l'Atlantique. Peu après, la piste traverse le Big Savage Tunnel qui mesure 3 894 pieds soit 1 187 m. Il est éclairé faiblement contre toute attente et les lampes apportées de France ne sont pas indispensables.

A partir de la sortie du tunnel, la piste est en nette descente, contrairement au côté ouest où la pente est douce. C'est la raison pour laquelle nous avons démarré à Pittsburgh et non du côté de Washington. Le paysage est maintenant souvent ouvert sur les montagnes. La frontière entre le Maryland et la Pennsylvanie traverse la piste. Cette frontière est la plus connue des Etats-Unis. Elle a été tracée par deux géographes, Mason et Dixon, qui ont réalisé un travail d'une remarquable exactitude pour l'époque à partir de 1763 avant la guerre d'Indépendance. Cette ligne a constitué la frontière entre les états esclavagistes et les états du nord abolitionnistes. Sur le sol de la piste, la limite est marquée par des blocs de pierre.


Nous pédalons à vive allure jusqu'aux environs de Frostburg, du moins jusqu'à l'endroit où il faut quitter la piste pour monter à Frostburg, point final de l'étape. La ville est construite plus haut et la rue principale n'est qu'une succession de côtes difficiles. Pendant quelques minutes, nous craignons même que l'hôtel soit au diable vauvert mais nous sommes rassurés. L'hôtel est tout près mais le terrain est tellement accidenté que le couloir desservant les chambres est en pente !

  9   -   Jeudi 25 août

Frostburg / Cumberland / Lavale 39 km

Des fruits et des légumes !


Nous descendons avec plaisir la rue principale de Frostburg en direction de la piste. Un arrêt s'impose pour faire quelques provisions à la supérette. Nous n'y trouvons pas un seul légume ni un seul fruit à nous mettre sous la dent : que des chips, des gâteaux et des conserves. Hier soir, nous avons fait l'expérience du "Frostburg Freeze" en face de l'hôtel où l'on peut se restaurer en plein air et manger des glaces. Quand nous avons ouvert un des paquets de notre commande, un plat de champignons, chou-fleur et oignons, nous avons pensé qu'il y avait une erreur. Parmi les jolies formes toutes panées et frites, nous avons finalement reconnu un petit champignon puis une rondelle d'oignon. Tout était frit ! Pour le sandwich au poisson, même traitement, du poisson pané ! Heureusement que nous avions choisi comme garniture de la salade verte et non de la mayonnaise comme proposé ! Notre recherche de fruits et de légumes est d'autant plus justifiée aujourd'hui.

Jusqu'à Cumberland, la piste suit la ligne du train touristique qui doit fonctionner seulement le week-end. Toujours en pente, nous arrivons rapidement à Cumberland, une ville de 20 000 habitants, célèbre entre autres pour la qualité de son charbon. Ici est le point de départ, ou d'arrivée, de la piste "Great Alleghany Passage" et devant la gare est incrusté dans le sol le mile 0. De là part aussi l'autre piste, le chemin de halage du canal du Chesapeake et de l'Ohio (appelé C and O Canal Towpath) qui va jusqu'à Washington.

Il fait 34°C à l'ombre et notre hôtel (Econolodge) se trouve dans la ville voisine de Lavale à 9 km, pas franchement loin, mais franchement sportif pour y arriver car il y a 5 km de montée, gentiment à l'ombre, presque tout du long entre 5 et 7 % mais avec des passages entre 7 et 10 %, puis entre 10 et 15 %. Des gouttes de sueur me piquent les yeux et me tombent sur les genoux. Nous nous accordons trois arrêts pour reprendre notre souffle et pour boire avant d'arriver au sommet de la côte et descendre un peu à Lavale où nous devons encore pédaler un bon mile le long d'une route assez fréquentée. L'avantage de cet endroit est qu'il compte un magasin Aldi tout près qui vend des légumes et des fruits frais. Nous y achetons aussi du chocolat, le même qui est vendu en France mais à un prix presque deux fois plus élevé. La nourriture ici est chère et seules les glaces sont bon marché.

Nos vélos dorment encore ce soir à côté de nous dans la chambre au 3e étage car l'ascenseur est assez vaste pour y entrer facilement. Nous apprécions la chambre climatisée et avons le loisir, une fois de plus, de suivre la campagne électorale américaine qui oppose Hillary Clinton et Donald Trump. C'est la seule émission qui nous intéresse car le reste est une succession de séries américaines et de publicités pour acheter les choses les plus invraisemblables le plus tôt possible à un prix imbattable.

N° 10  -   Vendredi 26 août

Lavale / Cumberland / Paw Paw.  60 km

Le canal abandonné

Grâce à internet, Philippe a repéré comment nous éviter la route d'hier qui nous ferait monter avant de descendre à Cumberland. En roue libre, nous descendons jusqu'aux Narrows, puis nous reconnaissons les environs de Cumberland, réussissons à reprendre le Great Alleghany Passage qui nous mène toujours en descente au point 0 de la piste. 

De là, nous nous élançons sur le C and O canal towpath (le chemin de halage du canal du Chesapeake et de l'Ohio) qui va jusqu'à Washington. Le revêtement est connu pour être beaucoup moins bon sur que sur la piste précédente. C'est souvent une sorte de chemin de champ avec beaucoup d'herbe au milieu. Par temps de pluie, la piste peut être très boueuse et même maintenant, quand il fait sec, il reste des endroits un peu humides ou bosselés par de la boue séchée. Très peu de cyclistes fréquentent la piste à tel point que le seul cycliste avec sacoches que nous rencontrons s'arrête au moins 50 mètres avant que nous arrivions à sa hauteur. "Avez-vous le temps de bavarder cinq minutes ?" Il voyage seul et campe. Il se remet de mieux en mieux d'un grave AVC il y a onze ans qui l'a laissé muet et en chaise roulante pendant quelque temps. Depuis qu'il marche, il s'est mis au vélo et c'est sa thérapie ! Mais il se sent un peu seul sur cette piste. Une bonne occasion pour nous de parler anglais et d'entendre différents accents américains.

La piste longe le canal qui est souvent tout vert de lentilles d'eau et de nénuphars. La construction du canal a été longue et chaotique jusque en 1850. Lors de son exploitation, rien n'a été simple non plus car la navigation a été interrompue à plusieurs reprises à cause d'inondations, d'éboulements et de glissements de terrain. Finalement, le rail a eu raison du canal qui a été fermé à la navigation en 1924. Maintenant, une partie n'est même plus en eau et de grands arbres poussent dans le lit du canal abandonné.

Un serpent de belle taille, tout noir et brillant, se chauffe au soleil. Il est inoffensif et, paraît-il, cette espèce est appréciée des agriculteurs car elle se nourrit de rats qui grignotent les gaines des câbles électriques dans les hangars. Des oiseaux de proie planent de temps en temps au dessus de nous. Philippe pense aussi avoir vu un aigle à tête chauve s'élancer d'un arbre. En revanche, nous n'avons pas vu d'ours noir ou de grosses tortues comme certains cyclistes en ont aperçu.

Ce soir nous dormons à Paw Paw chez un cycliste à la retraite qui arrondit ses fins de mois, légalement, en hébergeant des cyclistes. La maison est toute simple, à un mile de la piste, et le prix comprend un gros petit déjeuner pour affronter les kilomètres à venir.

N° 11  -  Samedi 27 août    

Paw Paw / Hancok   57 km

Le tunnel de Paw Paw

Paw Paw est un petit village de Virginie Occidentale de l'autre côté du Potomac qui fait la limite avec le Maryland. Ce nom d'origine indienne désigne d'abord un arbre qui donne des fruits ressemblant à des mangues par la forme et qui mûrissent en septembre ou octobre. Le village est surtout connu dans la région pour son tunnel sur le C and O canal qui raccourcit le canal de six miles en évitant les méandres du Potomac. Ses 950 m de long étaient franchis par les bateaux tirés par des mulets qui trottinaient le long du chemin de halage comme le font maintenant les cyclistes et les marcheurs. La grande différence est qu'une rambarde de bois a été installée il y a peu pour éviter de tomber dans l'eau. Comme le tunnel n'est pas éclairé, une lampe est indispensable. Les nôtres sont bien faibles pour éclairer convenablement le chemin et ce n'est pas facile de rouler droit sur un sol irrégulier dans une quasi obscurité avec des vélos chargés. Nous avons peur de dévier trop à gauche et de passer par dessus la rambarde.

A l'autre bout la végétation exubérante a laissé place à une gorge resserrée et minérale. Quelques dizaines de mètres plus loin, un éboulis a rempli le canal de blocs énormes qui semblent avoir été taillés tant la structure de la roche a créé des blocs réguliers. 

Le canal continue d'alterner des tronçons si secs que la nature a eu le temps de faire pousser des arbres majestueux, et d'autres remplis d'eau couverts de lentilles d'eau d'un merveilleux vert. C'est le domaine de canards (que nous ne connaissons pas) et de tortues dont les carapaces brillent au soleil d'un éclat métallique. Ces tortues qui se chauffent au soleil sur des troncs d'arbres au milieu de l'eau sont de la taille d'une belle assiette et nous en apercevons une semblant plus grosse encore qui remonte à la surface et replonge aussitôt. Un héron gris foncé s'envole à plusieurs reprises à notre approche. Ici, où presque personne ne passe, la faune s'alerte du moindre bruit comme du crépitement des gravillons sous nos pneus.

La piste court entre le canal et le Potomac, peu profond, où quelques canoës circulent tranquillement. La forêt nous protège de la chaleur. A Hancock à notre arrivée à 14 heures, dans le parc à l'ombre, il fait 35°C.

N° 12  - Dimanche 28 août  

Hanckok / Hagerstown.  60 km

Leçon d'histoire

Une piste bitumée parallèle au C and O canal a été créée sur une ancienne voie ferrée, le West Maryland Railroad. La vitesse de déplacement augmente au moins de deux ou trois kilomètres/heure sur cette surface lisse. Nous l'empruntons presque jusqu'au Fort Frederick, dont il ne reste que le mur d'enceinte copié sur les forts construits par Vauban. Au centre deux bâtiments de bois ont semble-t-il été reconstruits et nous avons la chance de nous trouver là pendant le week-end où les passionnés de reconstitution historique sont à l'œuvre.

Les costumes sont la copie exacte des costumes de 1750 avec les mêmes tissus et l'on remarque que les uniformes n'étaient pas si uniformes que l'on pourrait s'y attendre. En effet quand le feutre vert des jambières venait à manquer, on utilisait du feutre rouge ou du beige et ainsi de suite. Les armes sont des reproductions elles aussi exactes. Quelques Indiens participent à cette manifestation, en costume, mais ce ne sont pas les Indiens de l'ouest avec de grandes plumes.

Ici s'est déroulé une guerre de sept ans de 1756 à 1763 entre les Français souvent alliés avec les Indiens et les Anglais pour la suprématie du territoire... et les Français ont perdu... ce qui explique que l'on parle anglais de ce côté de l'Atlantique. A Williamsport, quelques kilomètres plus loin, nous quittons définitivement les pistes pour le bitume et une succession de côtes et de descentes plus ou moins accentuées.

Ce soir, nous dormons à Hagerstown chez des membres du réseau Warmshowers. Trois filles habitent ensemble avec les parents de l'une d'entre elles, et deux grands chiens gentils mais aboyeurs. La maison, louée, est très grande et nous découvrons avec un plaisir non dissimulé une piscine ! La température dépasse largement les 30°C et nous plongeons avec délice dans une eau presque à température ambiante. Nos hôtesses ont un garage équipé presque comme un atelier et nous trouvons, enfin, une pompe avec manomètre pour gonfler nos pneus correctement. Les conversations vont bon train avec Bobbie, Kristy and Anita qui sont aux petits soins pour nous. Une fois de plus, nous vantons à ces cyclistes averties les avantages du tourisme à vélo en France, en Allemagne et en Autriche. Ces trois amies semblent convaincues surtout que Bobbie a pour objectif d'apprendre le français.


N° 13  -   Lundi 29 août    

Hagerstown / Gettysburg 67 km

Leçon d'histoire n° 2  la guerre de Sécession

Anita et Bobbie font un bout de chemin avec nous. Comme les routes sont bordées d'une large bande bitumée, on peut rouler à deux de front sans gêner le moins du monde les automobilistes sur ces itinéraires peu fréquentés, et donc bavarder à bâtons rompus du problème de l'obésité des Américains, des Appalaches et de Camp David tout proche (où des Présidents des USA ont reçu des hommes d'Etats) ou des élections américaines. Bobbie est atterrée par le niveau de la campagne et effrayée par Trump. Elle pense que ce serait la fin de l'Amérique si Trump gagnait. Selon les sondages, les  électeurs américains blancs de niveau d'instruction supérieur voteront en masse pour Hillary Clinton. En attendant, le long des routes nous ne voyons que des panneaux de Trump plantés devant de nombreuses portes. Il semble que les électeurs d'Hillary Clinton n'osent pas faire la même chose de peur de représailles.

Avant Gettysburg, le célèbre champ de bataille de l'histoire américaine longe la route. De très nombreux monuments de toutes tailles sont dispersés dans la campagne. Chaque régiment, chaque section, chaque brigade a fait ériger soit une grande plaque, soit une statue en souvenir des 50 000 morts de cette bataille des 1er, 2 et 3 juillet 1863. La guerre de Sécession opposait les états du sud, esclavagistes, et les états du nord, abolitionnistes et cette bataille a été un tournant de la guerre. Quelques mois plus tard, Abraham Lincoln est retourné à Gettysburg et a prononcé un discours resté dans l'histoire pour parler de liberté et d'égalité, de l'esclavage et d'unité du pays. Étant donné la chaleur, nous établissons notre quartier général au Mac Donald's car nos moteurs sont en surchauffe.

Ben, notre hôte Warmshowers, propose de venir nous prendre avec sa voiture car il vient jusque là pour accueillir une bonne copine qui arrive par le bus. La proposition qui nous évite 15 km sous un soleil de plomb avec quelques côtes  est vite acceptée. En attendant, nous allons au magasin de bières, qui ne vend que de la bière, à part quelques cocas et du thé glacé. En Pennsylvanie, on ne peut pas acheter de bière et de vin au même endroit et il est interdit d'en vendre aux moins de 21 ans. Ce magasin propose plus de 150 sortes de bières, pratiquement toutes brassées aux Etats-Unis avec quelques rares exceptions pour le Mexique et l'Allemagne. Pas une bière française à l'horizon !

Ben habite dans la campagne profonde la maison de ses grands-parents, une maison existant déjà lors de la bataille de Gettysburg, plaque commémorative officielle l'attestant. Tout est très rustique et assez en désordre mais Ben est intéressant. Après avoir travaillé dans l'informatique, ce fils d'éleveurs a décidé de revenir à la terre et se lance doucement dans le maraîchage bio. Il élève deux chèvres, boit l'eau du puits, excellente, et ne mange pratiquement pas de viande. Ce soir, le repas est très frugal, végétarien avec des légumes cultivés à quelques centaines de mètres et des champignons ramassés dans les bois. Nous bavardons autour d'un feu de camp en regardant les étoiles avant de nous coucher, bercés par les bruits de la nature.

N° 14   -   Mardi 30 août    

Gettysburg / York  58 km

Il n'y a pas de roses sans épines !

Les rues et les routes regorgent de noms qui nous sont familiers : Baumgartner, Klinger,  Spielmann, etc et certains détails de maisons nous rappellent l'Allemagne. Un village s'appelle d'ailleurs Berlin.

Peu après le départ, je crève à l'arrière à cause d'une grosse épine. Nous réparons et repartons tranquillement toujours sur la route Lincoln, celle que le Président Lincoln a empruntée pour venir à Gettysburg.

Après la pause de midi, je m'aperçois que la monture de mes lunettes de soleil et de vue est cassée. Nous réparons avec du sparadrap rose, sans doute acheté pour les bobos de nos petites-filles.

En arrivant à York, Philippe s'inquiète tout à coup d'un bruit bizarre venant de sa roue arrière. Une grosse bosse de la taille d'une noisette vient d'apparaître sur son pneu et quelques instants après, la chambre à air éclate en endommageant le pneu.
Nous sommes dans le quartier ouest de York qui respire la pauvreté. Il est peuplé majoritairement de Noirs et de gens venant des Caraïbes. Certains sont assis sur les escaliers devant leur maison et semblent désœuvrés. Le magasin de vélos conseillé a fermé depuis longtemps, un autre est très loin et bien compliqué à atteindre. Finalement une bonne âme caraïbe pianote sur son smartphone et trouve le nom, l'adresse et le numéro de téléphone d'un troisième magasin. J'enfourche mon vélo et traverse toute la ville dans les embouteillages pendant que Philippe me suit à pied. 


Un peu tard, je m'aperçois que la bonne âme s'est mal positionnée et m'a indiqué la direction opposée ! Pour rendre les choses plus agaçantes encore, nous avons du mal à communiquer entre nous avec nos portables car nous ne l'avons pas encore fait aux Etats-Unis. Contre toute attente, il ne faut pas composer le 00 mais seulement l'indicatif de la France et le numéro de téléphone sans le premier 0 du numéro français. En fait, c'est un mélange entre un appel depuis la France, et un appel depuis les Etats-Unis pour un numéro aux Etats-Unis, comme nous le faisons maintenant depuis l'arrivée.

Wall-Mart est un grand supermarché à la sortie est de la ville qui met fin à cet épisode laborieux de la journée pendant lequel Philippe a marché sept kilomètres à pied. On y trouve de tout, y compris d'excellents pneus et des chambres à air. Dans la chambre de l'hôtel presque en face, nous changeons le pneu et la chambre à air et en profitons pour offrir à mon vélo un pneu neuf à l'arrière.

Nous respirons enfin mieux, surtout que l'hôtel dispose d'une piscine où nous finissons de nous détendre.

N° 15  -  Mercredi 31 août    

York / Strasburg 62 km

York, Lancaster et Strasburg,

nous ne sommes pourtant pas en Europe ! 

York a été la première capitale fédérale des Etats-Unis pendant neuf mois de 1777 à 1778. C'est là que les mots "The United States of America" ont été officiellement prononcés et que la première constitution a été adoptée. Nous retournons au centre ville que nous avons traversé hier sans nous arrêter. A 9 h 30, les commerces sont encore fermés et même le marché couvert qui a ouvert ses portes est vide de clients et de commerçants. Évidemment l'office de tourisme, une petite cabane en planche peinte en blanc, est fermé lui aussi.

La ville possède quelques bâtiments datant de sa fondation vers 1730, dont l'un est une grande maison à colombages qui passerait tout à fait inaperçue en Alsace. Devant a été érigée une statue du Marquis de Lafayette une flûte à champagne à la main.

La route vers Lancaster est assez importante mais le bas côté est si large que nous nous sentons en sécurité. Nous traversons le fleuve Susquehanna entre Wrightville et Columbia. Le pont construit en 1930 mesure 2 029 m. Il est le plus long pont de béton multicouche du monde. Le fleuve est impressionnant par sa largeur mais il ne semble pas très profond puisque des îlots de verdure apparaissent de temps de temps dans son lit. Le Susquehanna se jette dans l'Atlantique dans la Baie de Chesapeake.
Avant Lancaster, au Mac Donald's que nous affectionnons pour sa facilité de connexion à la wi-fi, une dame âgée est ébahie par ce que nous faisons à vélo et nous avons toutes les peines du monde à la convaincre que cela n'a rien d'extraordinaire. Nous avons choisi de faire peu de kilomètres par jour, l'âge venant, mais aussi pour avoir le temps de discuter avec ceux que nous rencontrons sur les sujets les plus divers et éventuellement d'avoir des renseignements utiles pour la poursuite de notre voyage.

Le paysage est toujours très vallonné et la ville de Lancaster s'étale sur une succession de collines qu'il faut monter et descendre. Après les noms de villes anglaises, nous nous dirigeons vers Strasburg, Pennsylvanie, une des neuf villes ou agglomérations des USA qui portent ce nom. 

Strasburg en Pennsylvanie semble être la plus connue car elle se trouve en pays Amish. Les Amish forment une communauté de Mennonites très stricts qui vivent comme au 19e siècle. De plus, le musée du train de la localité est le plus grand de l'est des Etats-Unis.

Nous sommes attendus par un vrai Strasburger qui habite une maison de bois comme on en voit un peu partout ici. C'est un ami musicien d'Anita qui nous a reçus il y a deux jours à Hagerstown. Tom ne connaît pas Warmshowers, mais il adore faire du vélo. Nous allons au restaurant avec lui et sa délicieuse amie, une petite dame enjouée, prof d'anglais à la retraite. A Strasburg, les restaurants ferment tôt. A 9 h, il ne reste que quelques attardés seuls au bar.
  

N° 16   -  Jeudi 1er septembre

Strasburg et environs 45 km

Strasburg et le passé

Journée de repos puisque nous restons deux nuits à Strasburg chez Tom. Nous ne ferons que 45 km, sans les sacoches, mais les environs sont une succession de courtes côtes et de descentes qui réclament quand même de l'énergie.

Autour du musée du train se sont greffées de nombreuses attractions et des magasins liés au train pour le plaisir des petits et des grands. Le voyage en train à vapeur dans des wagons de bois est bien bruyant, d'autant plus que les conducteurs ne ménagent pas les coups de sifflet, ni les échappements de vapeur, sans compter une cloche, sans doute pour créer plus d'excitation. Le parcours va jusqu'à la gare de Paradise à quelques kilomètres. Pour ceux qui n'ont jamais vu une vraie machine à vapeur et n'ont donc jamais mis les pieds dans un tel train, c'est effectivement une attraction.

Le musée du train est plus calme. De nombreuses locomotives, des voitures et des wagons de tous les Etats-Unis sont exposés. Là aussi les plus jeunes ne sont pas oubliés. Les enfants de 4 à 15 enfants peuvent faire démarrer des trains miniatures, constituer des trains en assemblant locos et wagons, apprendre des termes de transport sur des circuits adaptés à leur âge. 

L'après-midi est consacrée à la découverte du pays Amish en compagnie de Tom. Les Amish sont des protestants mennonites stricts. Ils sont principalement agriculteurs, n'envoient leurs enfants l'école que jusqu'à 14 ans ; ils se marient jeunes et ont généralement beaucoup d'enfants mais la population décroît car certains jeunes quittent la communauté. Dans les maisons, pas d'électricité, même si toute l'installation électrique est faite mais les prises et les interrupteurs sont bouchés. Ceci permet de vendre plus facilement la maison à d'autres que des Amish. Cependant, pour le travail de la ferme, les Amish ne refusent pas l'électricité et les tracteurs. Une part importante du travail se fait quand même à l'aide de mules et de chevaux. Les fermes sont à taille humaine et éparpillées dans la campagne. Il est assez facile de reconnaître une maison Amish les jours de lessive car le linge, de couleur sombre principalement, flotte au vent quelquefois jusqu'à quatre ou cinq mètres de hauteur. Pour se déplacer les Amish utilisent toujours des buggys tirés par des chevaux dont le tintement des sabots résonnent très régulièrement dans les rues de Strasburg. L'odeur du crottin n'y est donc pas inhabituelle et nous humons avec plaisir autour des fermes l'odeur familière du fumier de vaches. 
La récolte de tabac bat son plein. Des Amish, adultes ou adolescents, coupent à la main les plants de tabac, les chargent sur les charrettes pour les suspendre dans des hangars de bois dont certains sont déjà bien pleins. Le maïs est aussi une grosse production de la région, avec le blé et le soja.

Comme dans les films américains, nous passons sur deux ponts de bois couverts, une spécialité des environs, qui doit sans doute venir d'Allemagne, comme les premiers colons. Les "Fisher" sont paraît-il par ici des Amish, le nom a été amputé d'une lettre mais l'origine germanique est évidente.

Ce soir au menu, chez Debra, l'amie de Tom, dîner dans de la belle vaisselle de porcelaine avec du saumon d'Alaska et des patates douces. Cela nous change des sandwiches et des pique nique !

N° 17 -   Vendredi  2 septembre  

Strasburg / West Chester.  70 km

Un formidable exemple de confiance

Le paysage est toujours aussi riant et après un orage avant-hier et un ciel voilé hier, la température est enfin plus agréable. Les fermes Amish se succèdent, toujours éparpillées, puis se font plus rares. Elles sont remplacées par des maisons cossues aux vastes pelouses impeccablement tondues. Les églises aussi se succèdent, même en pleine campagne, de toute obédience, autour desquelles souvent s'étend un cimetière. Même dans la mort, la dévotion au drapeau se manifeste. Des dizaines et des dizaines de petits drapeaux flottent à côté des tombes, surtout à l'approche du Labor Day, le premier lundi de septembre.

Depuis que nous avons quitté les pistes au plus profond de la nature, nous avons vu des drapeaux partout. Dans certaines bourgades, on peut compter qu'une maison sur trois en arbore un, si ce n'est plusieurs, plus ou moins grands. Souvent aussi les maisons sont décorées de sortes de grands éventails de tissus au trois couleurs. Aujourd'hui une bande de gars à moto nous croise avec en tête un motard faisant flotter au vent un énorme drapeau. Il n'est pas rare de croiser des Américains portant un tee-shirt ou un short représentant le drapeau, une mode qui sévit jusque chez nous principalement dans les magasins de décoration où l'on peut se procurer coussins, posters et autres bricoles portant le drapeau américain.  La ferveur, proche de la dévotion laïque, pour ce symbole ne manque pas de nous étonner. 

A West Chester, obscure localité, les hôtels repérés sur internet dépassent largement les 100 $ la nuit et nous n'avons pas de réponse du réseau Warmshowers. La chance va nous sourire dans une boulangerie et pâtisserie française. Une femme va se démener pour téléphoner à droite et à gauche. Finalement au pied levé, un membre du réseau Warmshowers, Gibbs, vient nous chercher à vélo. C'est un cycliste acharné affichant 17 000 km/an au compteur, préférant faire du vélo et voyager plutôt que de diriger à plein temps son entreprise de location de voitures. Il s'en décharge en partie en ayant engagé un manager. Gibbs nous emmène à une bonne dizaine de kilomètres dans la maison de ses parents partis en vacances avant de regagner son propre domicile. Une telle confiance nous laisse sans voix. Il ne nous a jamais vus, s'est déplacé, a pris du temps pour nous montrer en détail la route du lendemain jusqu'à Philadelphie, nous laisse dans une maison luxueuse en n'oubliant pas de mettre l'eau chaude en route. Un exemple extraordinaire !

N° 18 -  Samedi 3 septembre. 

West Chester  / Philadelphia   67 km

Belle rencontre sur la piste cyclable

Quelques courtes côtes très raides nous attendent encore jusqu'au monument dédié à Georges Washington dans le parc de Valley Forge. Lors de l'hiver 1777/1778, l'armée unioniste, celle du pays en devenir appelé les Etats-Unis, combattant encore contre les Anglais, était stationnée dans les environs. La faim, la soif et le froid étaient en embuscade et un arc de triomphe majestueux a été érigé pour commémorer le souvenir du Général en Chef, Georges Washington. Cet arc de triomphe se dresse au sommet d'une colline d'où rayonnent des routes et des pistes cyclables dans un parc verdoyant.
Bien avant Philadelphie, une belle piste court dans la campagne ; elle est très fréquentée mais nous sommes un peu des extra-terrestres avec nos sacoches parmi les coureurs à pied ou à vélo ou encore en rollers. Tout en pédalant un couple de cyclistes nous aborde et, chemin faisant, nous découvrons que la femme s'appelle Shantel, se prononçant pratiquement comme mon propre prénom, une véritable rareté. Quant à Rob, il aime beaucoup l'Europe où il est déjà allé plusieurs fois. La chance est à nouveau avec nous.

Après avoir pris un verre ensemble le long de la Schuykill Trail, [scoukil] et avoir fait plus ample connaissance, finalement, le couple change ses plans et nous laisse l'appartement de Shantel à Philadelphie pour la nuit. C'est une occasion à laquelle nous n'avions pas rêvée et qui tombe réellement à pic parce qu'il aurait été pratiquement impossible de trouver une chambre à cause de plusieurs concerts, dont celui de la vedette internationale, Rihanna, organisés pendant ce grand week-end s'étendant jusqu'à lundi soir.

Sur l'insistance de notre hôtesse, nous confions même notre linge sale à sa machine et son séchoir et profitons de ses conseils pour manger à quelques centaines de mètres dans un restaurant japonais à un prix imbattable.


N° 19 -  Dimanche 4 septembre   

 Philadelphia

Tourisme à pied dans la ville

Rob et Shantel viennent nous chercher à l'appartement de la 27e rue pour aller au centre ville. Ils seront nos guides pendant cette journée ensoleillée. Nous gagnons donc beaucoup de temps et allons à l'essentiel.

Pour avoir une vue d'ensemble de cette ville qui compte environ 1,5 million d'habitants, nous montons au 57e étage au Liberty Observation Deck. Autour de nous quelques gratte-ciel de verre  comme le Comcast sont très impressionnants. De là haut, le centre historique est bien petit, bien loin du fleuve Delaware et de la rivière Schuykill qui traversent la ville. Le City Hall, un bâtiment du 19e siècle, perd de sa superbe alors que depuis le bas, il est imposant avec la statue de William Penn au sommet, une énorme statue en l'honneur du fondateur de l'Etat de Pennsylvanie. 

Le gratte-ciel du Comcast est sans doute le plus impressionnant par la taille mais le plus intéressant est le hall, peu connu des habitants alors qu'il recèle une attraction technique extraordinaire. Le mur du fond est un écran de 25,38 m x 7,74 m composé de 6772 tuiles regroupant chacune 1152 cellules de quelques millimètres de côté. La définition d'une telle surface nécessite de multiplier au moins par cinq par ordinateur la résolution des meilleures caméras. Cet écran, qui ressemble à un simple mur, offre un spectacle saisissant qui change de minute en minute. Des personnages courent le long du mur, puis disparaissent, des poissons haut de plusieurs mètres avancent, le mur semble bouger. C'est fascinant... et entièrement gratuit.

Le Reading market est aussi une attraction que nous n'avons pas manquée. Dans un vaste hall, de multiples petits restaurants sont répartis au milieu de quelques commerçants vendant surtout de l'alimentation. L'affluence est énorme mais surtout la queue est impressionnante pour manger un "cheesesteak", la spécialité de la ville, chez Carmen's,  un des meilleurs de la ville où même Barak Obama est venu. De très fines tranches de bœuf sont coupées au couteau sur une grande plaque de cuisson, on y ajoute des oignons grillés en même temps, puis le fromage de son choix, puis par exemple des champignons, du piment, des poivrons. Tout est mis dans un grand pain assez souple. On peut dire que c'est bien meilleur que ce que l'on peut acheter ailleurs et qui peut lui ressembler.
La "Liberty Bell" est à ne pas manquer pour qui s'intéresse à l'histoire américaine tant soit peu. C'est une cloche de belle taille qui était suspendue dans le clocher du City Hall avant 1776 et qui s'est fendue, a été réparée, puis s'est fendue plus encore. Elle a sonné comme elle a pu quelques grandes réunions du nouveau gouvernement. Ce symbole des premières années des USA est maintenant bichonné et exposé pour les milliers d'Américains et les autres qui viennent réviser l'histoire grâce aux multiples panneaux tout autour.

Il est intéressant de passer au Visitor Center pour profiter des leçons d'histoire dispensées grâce à des films présentés gratuitement dans des petites salles. L'histoire américaine, si courte par rapport à l'histoire européenne, est ici rappelée sans cesse. Un peu partout dans les États que nous traversons (Pennsylvanie, Virginia, Maryland) des panneaux expliquent l'origine de tel village, le passage de Georges Washington ou d'Abraham Lincoln, la bataille valeureuse ou malheureuse de tel ou tel ou tel régiment, quand ce n'est pas l'histoire de la construction d'une maison datant de plus de deux cents ans.

Pour finir en beauté cette très belle journée, nous dînons dans un restaurant de fruits de mer du centre ville avec Shental, Rob, son fils et sa petite amie. Le débit de cette jeune fille, par ailleurs fort instruite et charmante, nous fait perdre quelques illusions. Nous ne sommes pas encore en mesure de comprendre tout d'une conversation rapide !

N° 20 -  Lundi 5 septembre 

Philadelphie / Newark   78 km

Philadelphie, côté pile

Nous prenons un solide petit déjeuner avec Shantel dans un restaurant installé dans un ancien entrepôt. Nous sommes toujours un peu déconcertés quand nous passons une commande par les questions du serveur ou de la serveuse qui propose alors une ou plusieurs variétés de pain, puis plusieurs cuissons différentes du pain, puis quand on croit avoir tout compris, plusieurs variations pour la cuisson des œufs, plusieurs variations pour les pommes de terre, quatre ou cinq possibilité pour le café, etc, etc. Shantel est une aide précieuse ce matin pour manger de délicieuses pommes de terre, du tofu, du pain beurré, des légumes rôtis.

Pour quitter le centre ville de Philadelphie, une piste longe des canaux et le Schuykill offrant de très belles perspectives sur les gratte-ciel. Aujourd'hui, premier lundi de septembre, Labor Day, équivalent de notre premier mai, une foule de coureurs et de promeneurs profitent d'un soleil magnifique. 

Dès que nous quittons la piste, nous entrons dans une autre Philadelphie, celle des quartiers pauvres aux rues sales, aux trottoirs défoncés, aux usines quelquefois désaffectées et restées tristement inoccupées. Déjà dans le quartier de Shantel, pourtant central, la saleté et le mauvais état des trottoirs n'avaient pas manqué de nous frapper. Dans le sud de la ville, pendant des kilomètres, nous n'avons aucune envie de nous éterniser. Par endroits, on se croirait en Afrique dans un pays en voie de développement.

Nous n'hésitons pas en revanche à entrer dans le parc Heinz à proximité de l'aéroport. C'est une réserve où les oiseaux en particulier trouvent de l'espace dans des marais et des plans d'eau. Des "pieds jaunes", des petits échassiers, se promènent sur la végétation aquatique ; plus loin, de nombreux hérons blancs cherchent leur nourriture et des petites tortues se reposent sur des troncs d'arbres.

Cette pause en pleine nature n'est que passagère car le reste de l'itinéraire, recommandé pour les cyclistes, est une succession d'usines et de raffineries qui n'ont rien d'attirant. Nous entrons dans le Delaware, ce qui ne change rien à l'environnement bien triste. C'est dans une de ces très petites villes que Martin Luther King a commencé à exercer son ministère. L'église baptiste en est bien sûr très fière et un mur peint met à l'honneur cet apôtre de la défense des droits des noirs américains.


Nous traversons Wilmington, une ville de 70 000 habitants, avec des quartiers périphériques misérables et un centre ville compacte comprenant de très hauts bâtiments essentiellement commerciaux. L'étape sur terrain plat principalement nous encourage à pousser un peu plus loin jusqu'à Newark. L'église baptiste à 18 h copie les carillons du nord de la France en jouant des airs religieux qui nous sont familiers.

N° 21 -  Mardi 6 septembre  

Newark (Delaware) /   Aberdeen (Maryland).  57 km

La traversée de la Susquehanna

Le nombre d'homonymies dans les noms de villes et de villages est absolument stupéfiant. Newark dans le Delaware où nous avons passé la nuit, n'est pas la plus importante des localités de ce nom aux Etats-Unis. D'autres portent le même nom dans trois États proches les uns des autres. Newark, dans le New Jersey, est très connue car l'un des plus grands aéroports desservant New York s'y trouve. 

La campagne du Delaware où nous circulons est boisée et des maisons souvent modestes s'égrènent le long de la route. Un panneau devant un village de mobil homes, très ordinaires, nous dissuade d'entrer sous peine d'être poursuivis. Ici, laisser des ordures le long de la route coute 1 500 $ d'amende alors que ce n'était que 300 en Pennsylvanie. Les bas cotés ne sont pas plus propres qu'en France.

Sans nous en rendre compte, nous quittons l'un des plus petits États des USA, le Delaware, pour entrer dans le Maryland.
Un pont de 1,8 mile, soit 3 km, enjambe la Susquehanna que nous avons déjà traversée entre York et Strasburg en Pennsylvanie il y a une dizaine de jours. Deux voies de chaque côté supportent un trafic important, surtout de camions, mais il n'y a pas de piste pour les cyclistes et pas de trottoir non plus. Aussi les véhicules nous doublent en empruntant la voie de gauche. Des panneaux mettent en garde les vélos à quatre reprises pour les gros joints de dilatation en métal. Heureusement la largeur de nos pneus (26 x 1,95) nous évite tout problème mais pour des cyclistes avec des pneus plus fins, ce sont des pièges dont nous avait mis en garde le vélociste de Newark. 

La vue depuis le pont est saisissante avec à gauche un pont de chemin de fer et à droite un autre pont de chemin de fer puis un pont routier. Malheureusement, l'étroitesse du pont ne nous permet guère d'admirer et encore moins de nous arrêter. Nous ne lambinons pas et pédalons à vive allure pour arriver de l'autre côté. "Drôlement courageux de traverser ce pont à vélo" nous dit un monsieur. Ce n'est pas le parcours que nous préférons mais il n'y avait pas d'autre solution pour arriver à "Havre de Grâce", la localité de l'autre côté. Elle a été nommée en l'honneur du Havre et s'appelait "Le Havre de Grâce" avant que l'article soit supprimé, sans doute pour faire plus court. 

La ville est au bord de la baie de Chesapeake qui s'enfonce très loin dans les terres. Havre de Grace regorge de commerces assez élégants et le phare plus que centenaire, mis à la retraite depuis 1975, se dresse près du port de plaisance. De paisibles retraités et des familles avec enfants se promènent pour profiter de l'air déjà marin.

Décidément, McDonald's est notre quartier général préféré pour pouvoir se rafraîchir, manger un peu mais surtout profiter de la Wi-Fi tout en observant les clients de tous âges et de toutes conditions qui fréquentent l'établissement et qui, comme nous aujourd'hui, y établissent leur bureau, ou qui achètent une boisson et un repas pour repartir aussi vite qu'ils sont venus.

La "piste" cyclable est une nouvelle fois sur des kilomètres le long d'une très large route ressemblant à une autoroute. Cette piste est plus large qu'une bande d'arrêt d'urgence en France. Cependant à l'approche d'un carrefour, les véhicules souhaitant tourner à droite l'empruntent et les vélos sont alors obligés de se déporter vers la gauche pour bien signaler leur souhait de continuer tout droit en pédalant très soigneusement sur la ligne blanche séparant les files. C'est encore un peu plus délicat quand nous devons tourner vers la gauche sur une route dont les deux voies de droite tournent à droite obligatoirement et nous obligent à être en plein milieu de la route. Heureusement les conducteurs américains sont en général très prudents et deux hurluberlus sur la piste marquée cyclable ne passent pas inaperçus.


N° 22 -   Mercredi 7 septembre

Aberdeen / Baltimore  57 km

Une journée sportive

Si hier soir nous avions pris la bonne option en déviant de notre itinéraire pour atteindre l'hôtel Super 8, une chaîne d'hôtels que nous apprécions, ce matin, l'option de la route 7 reliant Aberdeen à Baltimore n'est pas la bonne. 

En effet, l'itinéraire proposé par internet empruntait la route 40 ressemblant à une autoroute avec deux ou trois voies dans chaque sens et un large bas côté appelé "shoulder", qui veut dire "épaule". L'option d'une route plus petite, la 7, nous semblait meilleure jusqu'à ce que nous nous apercevions que la route n'avait souvent qu'une voie dans chaque sens, souvent plus d"épaule", qu'elle était très fréquentée et pour couronner le tout que ce n'était qu'une succession de montées et de descentes. Qui l'eut crû ? Après une bonne vingtaine de kilomètres, nous nous en échappons pour retrouver avec plaisir le bruit, la pollution et une plus grande sécurité sur la 40.

Cette partie du Maryland est densément peuplée et il est donc difficile, voire impossible, de relier une ville à l'autre sur des routes tranquilles.

Nous entrons dans les faubourgs de Baltimore après une pause que nous estimons bien méritée vu les efforts fournis à cette température, pause à notre quartier général habituel. La saleté, le mauvais état des routes sautent aux yeux. La vigilance est de rigueur entre trous, déformations de la chaussée et verre brisé. Les immeubles sont en mauvais état. Un immeuble vide et penché tient encore debout grâce à des poutres. Une rangée d'immeubles en briques est inhabitée : les fenêtres ont disparu et les portes du bas sont maçonnées. Des commerces sont définitivement fermés avec des panneaux de bois. La misère que nous voyons est d'autant plus frappante que nous avons traversé des régions où l'argent semblait couler à flot.

Philippe crève et malgré plusieurs arrêts pour regonfler temporairement avant l'arrivée à deux ou trois kilomètres, nous sommes contraints de réparer sur le trottoir. Heureusement, le quartier est devenu plus propre et peu de gens traînent dans les rues.

Les Auberges de Jeunesse qui s'adressent à tous, jeunes et vieux, sont une vraie chance pour se loger au centre ville à un prix relativement abordable. Notre auberge se trouve à côté de la cathédrale, la plus ancienne cathédrale catholique des USA, où Jean-Paul II et Mère Térésa sont venus prier.
  
Nous suivons quasiment quotidiennement le feuilleton des élections américaines à la télé. Ce soir, en groupe, nous regardons sur CNN Hillary Clinton interrogée par des citoyens pendant une demi-heure environ, puis ensuite Donald Trump. Il n'y a pas de débat face à face comme on en connaît en France. Les deux jeunes qui regardent la télé avec nous soupirent en écoutant Donald Trump. Nous aussi.

N° 23 -  Jeudi 8 septembre   

 Baltimore à pied  (Maryland) 

Deux espèces en voie de disparition ?

Après deux essais infructueux pour encaisser nos chèques de voyage, nous décidons d'aller à la "Bank of America", une grande banque sérieuse à Baltimore, métropole de plus de 600 000 habitants.

"Non", réponse classique, "il faut avoir un compte en banque aux USA". Nous insistons et après une dizaine de minutes, deux employées sont sur le coup pour se consulter, examiner les chèques dans tous les sens, rechercher des notes de procédures pour une demande aussi inhabituelle, nous faire signer les chèques recto verso. Nous finissons par nous asseoir et après 50 minutes supplémentaires et un troisième employé à la rescousse nous obtenons notre argent. Les chèques de voyage, American Express, achetés vers 2005 et oubliés dans un tiroir, "encaissables partout dans le monde" selon la publicité, sont donc une espèce en voie de disparition. Il y a deux ans en Angleterre, il n'avait fallu qu'une signature et deux ou trois minutes pour encaisser un tel chèque.

La deuxième espèce en voie de disparition est l'huître de la Baie de Chesapeake. Elle survivra peut-être grâce à un programme de préservation. Actuellement la population d'huîtres est réduite à 2 % de ce qu'elle était il a deux siècles, à cause de la surpêche, de la pollution et des maladies. Outre l'intérêt économique de conserver un potentiel de poissons et de crustacés, les huîtres agissent comme un filtre et autrefois elles étaient si nombreuses qu'elles pouvaient filtrer en trois jours toute la baie de Chesapeake.

Le port de Baltimore est toujours très actif en employant près de 17 000 personnes mais la partie ancienne du port est maintenant dédiée au tourisme avec de grands bateaux à quai pour des visites, de nombreux restaurants et un aquarium réputé. Se greffent autour des musées, des magasins, tout ce qui peut retenir des touristes mais aussi un office du tourisme spacieux à l'air conditionné très apprécié. 

Un petit tour au musée du drapeau, américain bien sûr, nous raconte l'histoire de la célèbre dame, Mary Young Pickersgill, qui a cousu avec toute sa famille et sa servante noire un drapeau américain commandé par l'armée, un énorme drapeau de près de 10 m de long destiné à flotter sur le fort Mc Henry aux environs de Baltimore en 1813. Le drapeau avait alors 15 bandes et 15 étoiles, autant que d'Etats qui constituaient les Etats-Unis. Depuis, le drapeau a été modifié. Il ne compte que 13 bandes, pour représenter les 13 États fondateurs de 1776 et 50 étoiles pour les 50 états actuels. Ce drapeau a inspiré le poète Francis Scott Key qui a écrit quelque temps après le poème qui est devenu l'hymne américain, le Star-Spangled Banner.

N° 24  -  Vendredi 9 septembre 

Baltimore  /  Washington (District of Columbia )   66 km

Une journée difficile mais bénie

La route 1 que nous empruntons pour la plus grande partie de l'itinéraire n'est pas agréable à cause de la circulation, d'autant plus que le thermomètre monte à 40° à midi. Deux arrêts dans la journée pour nous reposer au frais à notre quartier général nous sont indispensables.

Une dame aux cheveux blancs engage la conversation en buvant son soda car elle est intriguée par nos vélos. Elle est toute étonnée par ce que nous lui racontons et bénit le Seigneur de cette rencontre. Comme elle nous voit utiliser notre tablette, nous lui expliquons pourquoi nous sommes des clients assidus de l'établissement pendant ce voyage : la fraicheur et la Wi-Fi ! Et Philippe lui explique ce que c'est que la Wi-Fi ! Elle repart toute contente en nous demandant l'autorisation de nous serrer dans ses bras et en demandant à Dieu de nous bénir.

Un client entre portant un tee-shirt où est inscrit en grand "Allah" en caractères latins et en arabe. Le long des routes de campagne, il n'est pas rare de voir des panneaux sur les boîtes aux lettres avec un verset de l'Ancien ou du Nouveau Testament. La référence à la foi est constante ici.
En attendant, nous sommes parmi les 69 millions de clients quotidiens de la chaîne de fast foot qui compte 36 000 restaurants  dans le monde, dont 14 350 aux Etats-Unis. Deux panneaux rappellent brièvement que M. Ray A. Kroc  a lancé la chaîne en achetant quelques petits restaurants à une famille Mc Donald et a ouvert réellement le premier d'une série à Des Plaines dans l'Illinois avec comme logo les deux arches dorées.

Nous nous perdons dans le campus de l'université du Maryland en essayant de suivre le tracé de Google. Le campus est immense avec des bâtiments éparpillés reliés par des allées et des petites routes sans nom et ce n'est pas les étudiants nouvellement arrivés qui peuvent nous renseigner, ni en sortant du campus des travailleurs immigrés ne comprenant pas trois mots d'anglais.

Finalement la tablette nous permet de nous sortir de ce mauvais pas et d'arriver sans encombre à Washington, chez Patrick, non sans avoir pester contre l'état des routes même dans les beaux quartiers de la capitale fédérale. Déformation de la chaussée, nid de poules quand ce ne sont pas des nids de cigognes étant donné la taille !

Notre voyage itinérant se termine après plus de 1 100 km, dont environ 400 km de pistes.

Soirée de repos complète avec Patrick, sa femme Carolyn et leur fille Mélanie. Nous sommes accueillis à bras à bras ouverts pour profiter pleinement de Washington pendant quelques jours avant notre retour en France.

N° 25  -  Samedi 10 à mercredi 14 septembre

Épilogue

Le point final de notre voyage est Washington où nous avons le temps de visiter la plupart des grands monuments de la capitale fédérale. Notre grand privilège est de bénéficier d'un point d'ancrage chez des amis dans le quartier de Mount Pleasant. Comme son nom l'indique le quartier est plaisant, avec des rues étroites très ombragées et calmes. Les maisons individuelles, comme dans beaucoup de quartiers de la capitale, sont précédées d'un escalier et de quelques mètres carrés de verdure. Des magasins le long de l'artère principale permettent de faire des courses, surtout chez des commerçants salvadoriens qui offrent une large gamme de produits exotiques pour des Français. 
Notre ami Patrick nous aide à vendre nos vélos achetés à Pittsburgh sur un site du type "le bon coin", appelé ici "craigslist". Les deux vélos seront revendus quelques jours après notre départ à moitié prix. Ceci est une bonne solution car cela aura coûté moins cher que le transport aller-retour en avion et nous aura causé moins de soucis de démontage et d'emballage de nos vélos.

Ainsi pour les quelques jours restants, nous avons toujours nos vélos et n'avons pas besoin de louer les vélos rouges disponibles à divers endroits. Nous pédalons allègrement soit sur les pistes cyclables, en particulier celle de Rock Creek dans la verdure et près du zoo, ou dans la circulation

La ville fait des efforts pour favoriser le vélo en créant des pistes cyclables, par exemple pour transiter par la gare, Union Station. Les cyclistes peuvent garer leur vélo dans un abri fermé accolé à un atelier de réparation où officient deux mécaniciens. Sur la large et prestigieuse Pennsylvania Avenue où se situe la Maison Blanche, les cyclistes roulent en sécurité sur une bande à deux voies au milieu de la chaussée. 

Il s'avère souvent plus prudent à certains endroits de rouler sur les trottoirs, ce qui semble parfaitement accepté. Cependant, la qualité des trottoirs laisse à désirer car le revêtement constitué de plaques de ciment a tendance à se soulever par endroits. Un très bon point est à décerner pour les descentes de trottoirs tout à fait douces, faites pour les fauteuils roulants et les poussettes. La plupart des villes françaises pourrait prendre modèle. Mais rien n'est parfait  : les systèmes d'accrochages des vélos sont souvent catastrophiques. Le modèle le plus répandu ne permet pas de faire passer les gros pneus entre les deux barres métalliques, ni d'accrocher le vélo sans qu'il brinquebale.
La liberté du vélo et les distances que l'on peut parcourir sans grands efforts nous permettent d'aller jusqu'au Jefferson Monument, le cimetière d'Arlington pour se recueillir sur la tombe de John Kennedy, le quartier de Georgetown, le jardin botanique qui recèlent de merveilleux bonsaïs. Nous ne résistons pas au plaisir de rouler encore sur la très belle perspective du Mall en grande partie visitée lors de notre arrivée. La colline du Capitole ne mérite pas le nom de colline, si facile à gravir, et donc nous gardons notre énergie pour les visites proprement dites, comme celle du Capitole ou du musée des Amérindiens.

Dans la capitale comme dans la partie du pays que nous avons parcourue, deux Amériques nous ont sautés aux yeux. L'Amérique riche qui a pour vitrine les centres des grandes villes avec leurs gratte-ciel et leurs avenues bordées de beaux magasins et de banques, et l'Amérique pauvre des quartiers périphériques, traversés à vélo, avec leurs routes mal entretenues et leurs immeubles parfois délabrés réservés à une population noire et immigrée souvent désœuvrée.

Nous nous sommes agacés des habitudes de gaspillage mais nous nous sommes émerveillés de la spontanéité et la générosité des Américains à notre égard.

Au revoir Washington ! Au revoir la Pennsylvanie et le Maryland, au revoir le Delaware et la Virginie ! Ce petit coin d'Amérique nous a beaucoup appris.





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